mercredi 25 novembre 2015

Journal d'Henriette 1er - 27 janvier 1904

1er janvier 1904

Quelle triste journée ! Je n’ai pas reçu une seule carte ! Je suis restée à la maison toute seule, toute la journée. Espérons que demain me sera plus favorable.

2 janvier 1904

Géo a été le premier à m’offrir ses vœux de bonheur. Le soir, nous avons eu la visite de Mme Sales et ses enfants et de Mme Marme. Mes engelures me font souffrir comme une damnée. Mme Marme m’a conseillé de prendre des fumigations de buis. Je vais essayer, pour voir si je pourrai calmer mes souffrances.

3 janvier 1904

Le remède est radical ! Je ne souffre plus ! J’ai pu aller à la messe. Lorsque j’ai vu Mme Marme devant moi, cela m’a rappelé de bien doux en même temps que de bien tristes souvenirs ! Je revoyais Géo, ainsi que mes chers cousins Dessalle. Je revoyais Henri auprès de moi ! Hélas ! Je ne le verrai peut-être plus !.... La famille L. [Lagarde] est venue nous voir. Gaby a une tête de « bleu » réussie ! J’ai dîné chez Maria puis nous sommes allées chez Mme Sales où nous nous sommes amusées jusqu’à deux heures du matin. Il ne manquait que Géo. Mais quoi qu’absent, il n’a pas été oublié. Et en chœur nous lui avons envoyé une jolie carte postale. Et mes amies avaient leur cavalier attitré. Il n’y avait que moi qui étais seule, toujours seule !

4 janvier 1904

Le berger m’a ramené ma petite Follette. Je l’ai embrassée avec amour car c’est sur ma ménagerie que je rapporte la tendresse que je ne donne pas à ma famille et à mes amis. J’ai passé mon après-midi à faire de la musique avec mon frère chéri. A huit heures, j’ai été l’accompagner à la gare. J’en suis remontée toute triste d’avoir vu partir mon cher Louis.

5 janvier 1904

Toutes mes amies de Lézignan sont venues me voir ; nous avons été ensemble sur le causse visiter la grotte. Là, j’ai songé à mon frère chéri, car lorsque je vins dans cette grotte, pour la première fois, j’étais avec lui. Nous y avons tué un lièvre qui y était prisonnier. J’avais huit ans. Que j’étais heureuse alors ! Nous nous sommes arrêtées à l’usine pour voir faire l’autopsie d’un cheval, ce qui m’a fort intéressée. Mes amies sont reparties à six heures.

6 janvier 1904

J’ai dessiné des pochettes fort jolies. Je suis contente de mon travail.

7 janvier 1904

Ma petite élève travaille bien. Avant peu, elle saura aussi long que moi.

8 janvier 1904

Rien de nouveau sous le soleil.

9 janvier 1904

Encore des nuages à l’horizon ! J’ai déversé une partie de mes peines dans le cœur de Mme Sales. Mon cœur était si gros !

10 janvier 1904

J’ai entendu la messe avec un redoublement de ferveur pour que le bon Dieu ne nous abandonne pas. J’ai passé une matinée délicieuse dans le bois en compagnie de ma chevrette. L’après-midi, promenade sentimentale au pont de Merdary.

11 janvier 1904

Après-midi passé au couvent. Je ne puis dire la joie, le bonheur intime que je ressens lorsque je rentre dans ce cher asile de paix ! Qui sait si un jour je n’y entrerai pas définitivement ? Bonnes mères, comme je vous aime ! Mon frère chéri m’a écrit une très jolie lettre.

12 janvier 1904

Rien de nouveau.

13 janvier 1904

Louis m’a envoyé une carte représentant un paysage ravissant. Il me dit avoir reçu une jolie et surtout gentille carte d’Antonin C.

14 janvier 1904

Rien d’important. Même vie calme et monotone toute remplie par le travail.

20 janvier 1904

Journée passée à Alignan à l’occasion de la fête de saint Sébastien. Nous avons fait la procession autour du village et dans les rues principales, avec la statue de saint Sébastien portée en triomphe par quatre jeunes gens, le suisse et le curé en tête. Une belle messe a été chantée par une trentaine d’hommes. Monsieur et Madame Boyer se sont distingués par leur amabilité. Mon amie, Mme Sales, qui se trouvait de la partie n’a pas peu contribué à l’agrément de la journée. Parmi les invités, j’ai eu le plaisir de retrouver une compagne du couvent. Nous nous sommes remémoré ces agréables journées passées ensemble. Comme j’étais heureuse alors !...

21 janvier 1904

Nous ne sommes rentrées d’Alignan que ce matin. J’ai couché avec Mme Sales. Pendant deux heures, nous avons parlé de Géo. Pendant mon absence, Papa a donné mes tourterelles. Pauvres oiseaux ! Je les aimais tant ! C’est Mimi [Marie Jonnet] qui me les avait données, un jour où G. était ici. Ce jour-là, il avait été si aimable pour moi qu’un moment, j’ai cru… hélas ! Aussi, aujourd’hui que je sais pourquoi il n’a pas parlé, toutes mes illusions sont finies. Il ne me reste plus de lui qu’un vague souvenir que je finirai par chasser de ma pensée. J’en ai la certitude. Que mes tourterelles emportent sur leurs ailes jusqu’à la moindre trace de son souvenir. J’ai soif de vrai repos. Aussi, si j’aime un jour, je ne veux le faire qu’à bon escient. O mon Dieu ! Faites-moi la grâce de trouver cet être idéal, avec qui je ne ferai qu’un corps et qu’une âme. Guidez-moi. Je m’abandonne à vous !

23 janvier 1904

J’ai commencé aujourd’hui un mouchoir tricolore. Je ne puis dire l’émotion que je ressens en voyant ce petit drapeau aux couleurs françaises brodées de mes mains ! Pauvre France ! Si tu savais combien je t’aime ! Pour toi, je sacrifierai tout. N’es-tu pas ma mère ? Oui, pauvre France !!.. Si tes vaillants défenseurs de jadis sortaient de leur tombeau, que penseraient-ils en te voyant si malheureuse ? Ils comprendraient ce qui t’arrive. France, tu ne veux plus du Dieu de tes pères ? C’est bien, souviens-toi que ce n’est que par lui et en lui que tu seras heureuse. Toi que la Sainte Vierge aimait tant, tu la renies ?... Reviens à Dieu si tu veux reconquérir ta gloire perdue !

24 janvier 1904

Quelle journée ! Grand Dieu ! Ce matin, j’avais entendu une bonne messe ; j’étais heureuse ! Mais, l’après-midi, la musique des vétérans est venue jouer à Lézignan. A cause de Mme Pons, nous n’avons écouté qu’un seul morceau, moi qui aime tant la musique, j’ai été obligée de m’en priver pour les autres. A cause de Maria, je n’ai pu assister au chapelet. A cause d’elle j’ai été grondée par Maman. Pourquoi ??... Je n’en sais rien. Jamais plus de ma vie je ne veux être le jouet des autres. Je veux agir à ma guise. Au moins, si je suis grondée, je saurai pourquoi !

25 janvier 1904

Journée splendide. M. Coste, régisseur du marquis de Graves, est venu prendre 7500 kilos d’engrais. Il faudrait en expédier autant tous les jours !

26 janvier 1904

Rien de nouveau. Tous mes minets sont malades.

27 janvier 1904

Je ne reçois plus rien de mes amies. Ce n’est pas bien gentil de leur part.

Sur la photo : Gabriel Lagarde. Il y a dans les archives familiales un album de photographies provenant de la maison Arquinet. Mon père a eu la bonne idée de questionner sa mère, Henriette, sur les noms des personnes représentées... Voici donc Gaby !

samedi 11 juillet 2015

Destination Bruges. 2e essai. Jour 10. 9 juillet 2015

Pour cette deuxième journée à Bruges, il fait un temps splendide. Une température idéale, un petit vent frais...
Nous allons visiter le musée Memling, qui se trouve dans l'ancien hôpital Saint-Jean. Si l'on ne veut visiter qu'un musée, c'est là qu'il faut aller. Les tableaux de Memling sont à couper le souffle. Et on peut s'approcher bien plus près des œuvres qu'au musée Groeninge. 
Après cette visite un peu ennuyeuse pour Diane, nous faisons une belle balade en barque sur les canaux de la "Venise du nord". C'est très agréable. 
De retour sur le bateau, la soirée s'écoule doucement, au rythme du clapotis. Nous dinons dedans parce qu'il fait bien frais le soir. 


jeudi 9 juillet 2015

Destination Bruges. 2e essai. Jour 9. 8 juillet 2015

Pour cette première journée à Bruges, nous allons visiter sans Diane le musée Groeninge dans lequel il faut surtout voir les trois premières salles consacrées aux primitifs flamands et tout particulièrement le portrait de Marguerite van Eyck par Jan van Eyck. 
L'après midi, nous allons tous les trois à Choco-story, le musée du chocolat, très sympa ! Il faut bien dire que le chocolat est partout ici... Difficile de résister !!! Il est aussi difficile d'échapper aux Cuperdons, bonbons en forme de cône ou de nez fourrés aux fruits. J'adore ! 

Destination Bruges. 2e essai. Jour 8. 7 juillet 2015

Aujourd'hui nous repartons et c'est l'ultime étape vers Bruges ! Mais oui on va y arriver ! 
Il fait gris, frais et il y a de grosses averses. Pour quitter Gand, nous prenons le canal circulaire qui s'appelle le ring. Impressionnant ! Un grand canal, très large, bordé des deux côtés par l'autoroute. Rien de bien intéressant. Le paysage est plat... 
Nous arrivons à Bruges en milieu de journée et nous accostons au port de la Coupure, qui se trouve en plein centre. 
Nous allons faire une première promenade de découverte jusqu'au beffroi. Bruges est une ville magnifique avec une belle architecture en briques. Le Moyen Âge est très présent. On a un peu l'impression d'être en Hollande...

Le port est sympa mais il n'y a pas de douches ni de toilettes ! On va faire avec les moyens du bord : toilette au gant... Et pour le lavage de cheveux on se débrouillera !


lundi 6 juillet 2015

Destination Bruges. 2e essai. Jour 7. 6 juillet 2015

Pour cette journée à Gand, nous avons un temps de rêve. Soleil, vent frais... 
Nous allons voir le très célèbre polyptyque de l'adoration de l'agneau mystique de Van Eyck à la cathédrale Saint Bavon, puis nous montons en haut du beffroi. 
Chris part ensuite se balader et avec Diane nous allons faire les boutiques.  Elle découvre la marque Coolcat où, dit-elle, il y a tout ce qu'elle aime ! Je lui achète une jolie robe...
Bruges est une ville très jolie, très agréable. Le centre ville a conservé son architecture médiévale, ce qui lui donne beaucoup de charme. Par contre, évidemment, les vastes zones piétonnes sont envahies par les marques internationales, que l'on trouve aussi à Paris...
Ce soir, on va dîner d'un Parmentier de canard fait par Mijo !

Destination Bruges. 2e essai. Jour 6. 5 juillet 2015

Nous repartons ce matin en direction de Gand, en prenant la Lys, jolie petite rivière canalisée. Alors qu'en France les plaisanciers sont rares cette année, ils sont très nombreux en Flandre ! Bateaux électriques, barques, hors bord, kayaks vont et viennent et se croisent à grande vitesse. L'eau est agitée, on se prend la pluie et l'orage mais on avance. Quelques kilomètres avant d'arriver à Gand, on découvre les incroyables résidences de luxe qui s'échelonnent au long de l'eau. 
Nous accostons dans la ville, dans un petit port de plaisance bien agréable. Un premier tour en ville et nous voilà conquis  par la perle cachée de la Belgique. 

Destination Bruges. 2e essai. Jour 5. 4 juillet 2015

Ce matin, nous quittons Wambrechies en pleins préparatifs pour le bal du samedi soir, avec de la salsa !
Aujourd'hui nous franchissons la frontière avec la Belgique, côté Flandre. Nous achetons la vignette adéquate : 40 euros pour trois mois et nous faisons le plein de gasoil : 150 litres. 
Puis nous naviguons sans nous arrêter jusqu'à Kuurde. Le port de plaisance semble un peu isolé... La capitainerie est fermée... Va-t-on trouver un endroit sympa pour boire une bière bien fraîche ? Oui ! Il y a une grande taverne avec une belle terrasse et de beaux parasols. 
Ici on est ailleurs : les gens parlent flamand, la carte du restaurant est en flamand mais il y a de la sangria !! Nous prenons l'apéro et nous dinons sur place : croque madame géants, croquettes de fromage, mélange de salade... 
La température est douce, un peu fraîche... On s'éloigne de la canicule qui sévit toujours en France !

Destination Bruges. 2e essai. Jour 4. 3 juillet 2015

Pour cette journée à Wambrechies, journée de grande chaleur plutôt rare dans ces contrées nordiques, on est un peu avachis. On cherche le frais en allant visiter la distillerie de genièvre et je passe le reste de l'après midi en terrasse à lire L'oiseau de mauvais augure de Camilla Lackberg. 
Soirée sans entrain. Je dors mal, alertée par un léger bruit de cascade inquiétant. Au matin, je constate que c'est l'égout qui se déverse au ras du bateau... L'avarie de ces derniers jours me rend anxieuse, visiblement. 

samedi 4 juillet 2015

Destination Bruges. 2e essai. Jour 3. 2 juillet 2015

On repart ce matin vers le nord en direction de Lille. L'avarie du pot d'échappement n'est toujours pas réparée pour de bon. Le mastic acheté hier était périmé... On s'arrête à l'entrée de Lille, avant l'écluse et on déjeune, à l'abri du tau, alors qu'un bel orage vient nous rafraîchir. Jean-Louis prend ensuite son vélo pour aller acheter autre chose et passe l'après midi à réparer. 
On en profite avec Chris et Diane pour aller faire un tour en ville et visiter le musée des Beaux arts. On n'a pas le temps de finir la visite. Il faut rejoindre le bateau qui entre temps a passé l'écluse. 
On avance jusqu'à Wambrechies et on se pose au port de plaisance, juste devant la guinguette de la marine. Il y a du monde, de la musique, c'est sympa. On y dine en terrasse avec une bière bien fraîche, une flamiche au maroilles ou une carbonade. On décide de rester ici deux nuits. 

Destination Bruges. 2e essai. Jour 2. 1er juillet 2015

Il fait beau. La réserve d'eau est pleine. On a de quoi boire (15 litres) et manger. On part tranquillement vers le nord après un réveil en douceur et un bon petit déjeuner. 
En regardant la carte, on s'aperçoit qu'on peut aller à Lens (pour voir le Louvre !) en prenant un bras de canal sur la gauche. 
C'était une mauvaise idée. Très mauvaise. Après 6 ou 7 kilomètres sans souci malgré une eau pas très propre (branchages, bouées anarchiques...), le moteur a une brusque baisse de régime car l'hélice est bloquée par du plastique. On n'avance plus. Pendant quelques minutes, on gère l'urgence comme ion peut. Il faut réussir à dégager l'hélice en faisant tourner le moteur à fond, éviter que le bateau ne vienne s'échouer sur la rive. On y arrive tant bien que mal et c'est alors que la fumée envahit la cabine. Une fumée à l'odeur de caoutchouc. Le moteur a tellement chauffé que les joints en caoutchouc de l'échappement ont brûlé. Et au même moment l'alarme de cale se déclenche. 
On ne peut pas continuer sans réparer. Jean-Louis amarre le bateau où il peut : on est sous un pont, à l'ombre !!! Aujourd'hui il va faire pas loin de 40 degrés...
Après une visite de Chris au casto le plus  proche et quelques  heures dans le moteur, Jean-Louis émerge et ça semble ok. C'est le pot d'échappement qui est percé. L'eau qui sert à le refroidir se répand dans la cale... Il a réparé avec du mastic. C'est alors que j'entends un bruit d'eau à l'arrière. Mauvaise nouvelle : ça fuit aussi là. C'est une réparation de fortune qui nous permet de rejoindre le canal sur lequel on était ce matin et on trouve un endroit sympa pour la nuit, le long d'un parc. On a chaud. Chris et Diane s'assoient à l'arrière et trempent les pieds dans l'eau. C'est bon et ça rafraîchit ! 
La soirée passe calmement. On attend la fraîcheur...

Destination Bruges. 2e essai. Jour 1

30 juin 2015. 

Dernier jour de travail pour Chris. Diane et moi sommes en congés depuis le we dernier. A 19h50, nous prenons le train pour Douai pour rejoindre Mijo et Jean-Louis qui ont pris de l'avance. 
A Douai, Jean-Louis vient nous chercher et nous prenons nos quartiers d'été dans la grande cabine arrière. Diane choisit de dormir sur le canapé. 
Demain c'est le départ ! 


jeudi 19 mars 2015

Journal d'Henriette 21 - 31 décembre 1903

21 décembre 1903

Enfin ! Il a cessé de pleuvoir ! J’ai brodé une nouvelle pochette pour Mme Sales.

22 décembre 1903

O bel astre ! Qu’il était temps de te voir réapparaître ! J’ai reçu la visite de Mme Sales, de Maria et de sa tante. Mon frère étant en manœuvres à Clermont, petit Père a été le voir, ce qui a été une vraie joie pour tous les deux. Mais, de retour, le temps étant très obscur, Papa s’est laissé tomber et s’est emporté toute la joue droite. C’est bien le cas de dire qu’il n’y a pas de bonheur parfait en ce monde.

23 décembre 1903

Encore une belle journée. Mais à cinq heures, le ciel s’est couvert d’épais nuages. Fera-t-il beau demain ?

24 décembre 1903

C’est le déluge universel ! Les chemins sont transformés en torrents ! Tout est submergé ! La voie qui est notre chemin de ressource en temps de grosses pluies ressemble à une rivière. Adieu notre belle fête de Noël ! La famille Viguier est montée à la campagne, mais à neuf heures, j’ai dû me retirer tant je souffrais de mes engelures. Pour la première fois que j’en ai, je suis généreusement servie ! Bon petit Jésus, quelle vilaine nuit vous avez choisie pour venir en ce monde ? Laissez-moi espérer que les cœurs qui auront le bonheur de vous recevoir seront un peu plus chauds ! Quant à moi, puisque le bonheur de vous posséder m’est refusé, je vous prie, cher petit Jésus, de venir dans mon pauvre et triste petit cœur, par votre Sainte grâce.

25 décembre 1903

Mon soleil radieux salue cette belle journée. Maman, mes sœurs et moi sommes allées à la grande messe. De retour à la maison, nous y avons trouvé Hippolyte Lonjon qui venait nous présenter sa femme. Elle me paraît fort gentille. A cinq heures, nous avons été les raccompagner à la gare.

26 décembre 1903

Quelle belle journée ! Mais, si le ciel était sans nuages, nous étions bien soucieux. Monsieur V. a été vendu. Ce qui fait que le vin qui est dans la citerne va partir pour Cazouls. Espérons qu’encore une fois nous en serons quittes pour la peur. J’ai reçu la visite de Maria et de sa mère. J’ai remis à mon amie une lettre anonyme que l’on m’a envoyée, et dans laquelle l’on me fait part de son mariage avec Louis Christol. Nous en avons ri ensemble. Moi qui croyais aller à la noce, j’y suis pour mes frais.

27 décembre 1903

Aujourd’hui j’ai une intention particulière dans mes prières pour Géo. Il a 21 ans. A l’occasion de son anniversaire, je lui ai envoyé une très jolie carte. L’après-midi, j’ai été à Pézenas avec Mme Sales. J’ai passé deux heures charmantes au couvent. En arrivant à la maison, quelle n’a pas été ma surprise d’y trouver Madame et Monsieur V. Notre expédition à Cazouls n’a pas réussi. Les futs ont été saisis. Et le vin qui se trouve dans la citerne va aller à l’Hérault. 700 hectolitres ! Quelle perte !

28 décembre 1903

Journée triste.

29 décembre 1903

Henri Sales arrive ce soir pour les vacances du jour de l’An. Hélas ! Elles s’annoncent bien tristes !

30 décembre 1903

Mon frère chéri est ici ; quel bonheur !

31 décembre 1903


Journée pluvieuse. J’ai reçu une très jolie carte de Mimi-Loulou et de Géo. Soirée charmante passée en famille. J’ai fait une manille avec Louis, contre papa et Claire. Ils nous ont brossés dans les grandes largeurs ! Voilà 1903 d’enterré ! Que 1904 nous soit plus favorable !


Si la fin de l'année est pour nous synonyme de fêtes, victuailles et cadeaux, c'est loin d'être le cas en Languedoc à la veille de 1904. Le père Noël n'a pas encore été inventé ! 
On sent bien les inquiétudes liées aux conséquences de la baisse de la taxe sur le sucre : le vin jeté dans l'Hérault...
Ce qui me frappe, c'est le froid, les engelures... La maison n'est visiblement que très peu chauffée.. Et les chambres ne le sont sûrement pas. 
Sur la photo : Louis et Claire, le frère et la soeur d'Henriette

dimanche 1 mars 2015

Journal d'Henriette 11 - 20 décembre 1903

11 décembre 1903

Les limiers ont été chez le ??, mais comme ils ont goûté à notre bon vin, ils ont été satisfaits de l’examen. J’ai reçu une lettre de Christ. et une jolie carte de mon cousin Henri.

12 décembre 1903

Aujourd’hui j’ai eu le bonheur de communier. L’après-midi, j’ai été au couvent. C’est toujours avec une égale joie que j’y retourne. Qui sait ?.. J’y ai rencontré Louise qui a été très gentille pour moi. Il doit y avoir du Louis là-dessous ? Encore une bonne journée de passée.

13 décembre 1903

J’ai été à la messe par une pluie torrentielle. De retour à la maison, j’étais trempée comme une soupe. L’après-midi, le temps s’étant mis au beau, toutes mes amies sont venues me prendre. J’ai préféré rester à la maison. Nous avons gardé Mme Sales. Pauvre amie ! Les peines lui ont atteint le moral. Cela lui passera-t-il ? Maman et moi avons été la raccompagner, lui faisant promettre de venir nous voir tous les jours.

14 décembre 1903

En effet, elle a tenu sa promesse ; sa figure est moins triste. A trois heures, nous avons eu la visite de Mme Pons. Cela l’a contrariée, mais la sérénité est revenue presque de suite. Le soir, nous l’avons raccompagnée chez elle. Espérons que demain elle ira encore mieux.

15 décembre 1903

J’ai reçu une ravissante carte de Géo. Papa nous a apporté un sac de bonbons délicieux. Aussi, y ai-je fait honneur ! Ma chère amie va mieux. Si cela dure, dans huit jours, il n’y paraîtra plus.

16 décembre 1903

Merci, mon Dieu ! Merci ! Grâce à vous, notre situation est sauvée. Nous conservons notre cher Arnet. Quel bonheur ! Je savais bien que vous ne nous abandonneriez pas ! Oh ma campagne bien aimée, maintenant que je sais que tu nous seras conservée, je t’aime doublement. Il me semble que je sors d’un affreux cauchemar, et que je vais retrouver paix et bonheur dans ta bienheureuse solitude. Oui, je sens qu’aujourd’hui tu es mienne tandis qu’hier tu ne l’étais pas. Encore une fois, merci mon Dieu ! Continuez à veiller sur vos enfants. Pour mon compte, je veux vous aimer tous les jours davantage ! Aujourd’hui, mon amie a eu une très mauvaise journée. Je lui avais brodé une pochette pensant que cela lui ferait plaisir ? Cela l’a contrariée. Je ne sais vraiment plus que faire pour la forcer à sourire et chasser ses idées noires. Le soir, nous avons eu une dissension avec Papa. Il ne veut pas que j’apprenne le catéchisme à ma soeurette, disant que c’est un livre inutile. Pour moi, je suis convaincue du contraire. Aussi, je me cacherai s’il le faut. Mais je continuerai mes leçons d’instruction religieuse à cette chère enfant. Ce n’est qu’en pratiquant ce que nous enseigne ce petit livre que l’on parvient à se sauver, et je veux avant tout sauver mon âme et aider ma petite élève à sauver la sienne. O mon Dieu ! Aidez-moi à bien remplir mon devoir d’éducatrice !

17 décembre 1903

Il pleut. Adieu la promenade projetée. J’ai fait les premières avances à Papa qui m’a pardonné dans un baiser les paroles piquantes d’hier soir.

18 décembre 1903

Il pleut toujours. L’Hérault inonde tout. J’ai joué aux cartes avec Papa.

19 décembre 1903

Vraiment ! C’est le déluge ! J’ai reçu une carte de Gabriel. C’est une femme à demi-nue perchée sur un rocher. On dirait un obélisque. Louis m’a également écrit. Il craint de ne pouvoir venir pour le 1er janvier. Pauvre chéri ! Quelles tristes vacances je passerai sans toi ! Soumise nous a donné deux jolis petits chiens, Philos et Saïda. Le soir, petit Père et moi avons joué aux cartes. Je lui ai gagné dix tours.

20 décembre 1903

Toujours de la pluie !

Sur la photo, c'est la petite élève dont parle Henriette : Claire, sa petite soeur (1890-1966). Ici vers vingt ans. 


lundi 9 février 2015

Journal d'Henriette 30 novembre - 10 décembre 1903

30 novembre 1903

Il pleut depuis ce matin. O Dieu ! Conduisez l’affaire que nous venons d’entreprendre à bonne fin. Je la remets entre vos mains. Ne nous abandonnez pas ! Encore une fois, venez à notre secours ; ne nous laissez pas sombrer, maintenant que nous sommes près d’atteindre le but. J’espère contre toute espérance ! Faites que mon espoir ne soit pas déçu ! J’ai passé toute mon après-midi à faire de la marmelade de châtaignes. Au moins, qu’elle soit bien réussie.

1er décembre 1903

Ma marmelade est exquise ! Grave affaire en partie conclue. Merci, mon Dieu ! Je vous en prie ! Continuez à veiller sur nous ! J’ai préparé un nid pour mes tourterelles. Que je languis de les voir nicher !

3 décembre 1903

Affaire terminée. Soyez béni, mon Dieu, pour ce bonheur inespéré !

4 décembre 1903

J’ai passé toute la journée à trier des plants rupestris. C’est un travail très facile et pas fatigant du tout. Le soir, tout en travaillant, nous avons, chacun à notre tour, raconté une histoire. La mienne a été : la vengeance de Jacques [ouvrage écrit par Jenny Lensia]. Elle a fort intéressé mon petit auditoire.

5 décembre 1903

Toujours même travail. Journée pluvieuse. J’ai reçu une carte de Geo.

6 décembre 1903

Je suis arrivée à la messe au moment de la consécration, ce qui fait que je l’ai manquée. A 8 heures, Monsieur V. est venu à la campagne. Un traître l’a dénoncé. Toute la journée, afin de déjouer les employés de la régie, nous avons vidé l’eau de la citerne et l’avons remplie de vin. Il est minuit et nous travaillons encore. Dieu ! Quel dimanche ! Il me tarde d’être à demain pour connaître le dénouement de cette affaire.

7 décembre 1903

Les limiers ne sont pas encore venus.

8 décembre 1903

J’ai reçu aujourd’hui une lettre de mon frère. Avec petite mère nous sommes allées à notre maison de Lézignan pour vider une armoire que nous avons vendue à Mme Sainte Marie. J’ai été à l’église dire mon chapelet afin de réparer un peu mon étourderie. J’ai encore laissé passer la belle fête de l’Immaculée Conception sans communier. Quels doux souvenirs me rappelle cette fête ! Il y a un an, mon frère chéri arrivait en permission pour la première fois. Il y a un an, j’étais au couvent ! Deux bien doux anniversaires en une seule journée !

9 décembre 1903

Rien de nouveau.

10 décembre 1903

J’ai passé ma journée à Béziers. De Lézignan à Pézenas, nous avons fait route avec M. Géraud, employé de la régie. Il venait de mettre la patte sur au moins trente personnes qui avaient fait du vin de sucre. Et dire qu’ils ne sont pas venus chez nous ! J’ai entendu la messe à la Madeleine, et fait brûler un cierge, toujours aux mêmes intentions. Sur la place de la Citadelle, j’ai entrevu Geo. Maman m’a fait faire un grand détour pour que je ne le voie pas. Je me suis contentée de lui envoyer un bon souvenir. J’ai vu sa mère. Par elle, j’ai eu de ses nouvelles. Je sais qu’il est en bonne santé et à la veille d’avoir une place fixe ; cela me suffit. Le soir, nous sommes rentrées avec Mme Sales. Je suis satisfaite de ma journée.



Plants rupestris : il s'agit de petites plantes grasses très jolies, qui poussent au ras du sol et ne demandent pas beaucoup d'entretien
La vengeance de Jacques est un roman de Jenny Lensia paru en 1889. C'est probablement un roman à l'eau de rose, bien oublié aujourd'hui.
La maison de Lézignan était celle du grand-père d'Henriette, dans laquelle ses parents ont vécu jusqu'à sa mort en 1883. Henriette écrit ceci, en 1973 : 
"Mes parents habitèrent Lézignan-la-Cèbe jusqu'à la mort de grand-père Arquinet (1883). Ils eurent 6 enfants. 3 garçons : Louis-Marie-Henri, Ferdinand-Marie-Stephe, Joseph-Marie-Eugène. 3 filles : Henriette-Marie-Isabelle, Marie-Antoinette-Joséphine et Claire-Sabine-Rose-Marie."
Des six enfants, seul un fils, Louis, et les trois filles ont survécu.
Le vin de sucre : il s'agit d'une méthode - la chaptalisation - permettant de produire plus de vin en y ajoutant du sucre. Cette pratique frauduleuse va engendrer une telle baisse du prix du vin qu'elle va provoquer l'effondrement des exploitations viticoles du midi de la France.
Pour en savoir plus : http://www.bruno.trinquier.com/1907/19071.html

vendredi 30 janvier 2015

Journal d'Henriette 5-29 novembre 1903

5 novembre 1903 
On est venus ce matin prendre ma chèvre Bichette. C’est un peu de mon heureuse enfance qui s’en va !... Bichette m’avait été donnée par ma cousine Mme Ponsonailhes, il y a dix ans de cela. Je la donne aujourd’hui aux Boyer, des gens pour lesquels je n’ai aucune estime. Je garde pour moi sa fille, ma gentille Follette.

19 novembre 1903

Du 5 à aujourd’hui, je suis restée à Lézignan chez Mme Boyer. J’y ai langui comme une perdue.

20 novembre 1903

Journée charmante passée en famille. Bonnes nouvelles de mon frère. Première expédition d’engrais.

21 novembre 1903

Grande étourdie que je suis ! J’ai laissé la belle fête de la Présentation sans m’en apercevoir. Journée mémorable en ce sens que, pour la première fois, j’ai été demandée en mariage, et refusée tout naturellement. Est-ce qu’on va proposer des choses pareilles à une gosse ? Moi qui ai le mariage en horreur, ce ne sera pas à mon âge, lorsque je commence à peine à vivre, que j’irai m’enchaîner ? Fi donc !!... Pas de bêtises pareilles d’au moins dix ans ! Mon premier prétendant se nomme Paul G. du gentil village de B. C’est un ami de Louis. Il m’a vu deux fois et il est fou de moi. Mais, il est donc en amadou ce monsieur pour prendre feu aussi facilement ! Pauvre cher ! Il s’est bien fourvoyé ! Il croyait faire la conquête de ce petit cœur qui ne bat pour personne, si ce n’est pour son Dieu, sa famille et sa patrie !...

22 novembre 1903

Journée commencée par la sainte messe. L’après-midi, course de vitesse avec mes sœurs et visite à la famille Sales.

23 novembre 1903

Journée triste. Pas de nouvelles de mon frère et de mes amies. Inquiétudes sérieuses de tous côtés. Je remets tout entre les mains de Dieu et de la Sainte Vierge.

24 novembre 1903

Encore rien reçu. Que font-ils tous ?

25 novembre 1903

Journée charmante passée avec Mme Sales.

26 novembre 1903

Enfin ! J’ai reçu une carte de Louis et de Geo. C’est plus que je n’en désirais ! Gabriel a envoyé de très jolies cartes à mes sœurs, et point à moi. Cela m’est parfaitement égal ! J’ai été à Montagnac avec petite Mère payer les contributions. Le soir, papa m’a donné 10 francs à partager avec mes sœurs. Quel bonheur ! Encore 20 sous à économiser et je pourrai me payer mon abonnement à L’Ouvrier, ce qui est mon grand désir !

27 novembre 1903

J’ai passé mon après-midi chez Marie pour apprendre à faire la dentelle Renaissance. Nous avons cueilli au château les premières violettes de la saison. Je les ai toutes données à Maman, elle les aime toutes !

28 novembre 1903

Même occupation. Ce genre de travail est très facile à faire. Le soir, en arrivant à la maison, j’ai trouvé une très jolie carte de mon frère. Nous étions tous plus qu’heureux, lorsqu’une idée originale est passée dans la tête de ma pauvre mère. Elle nous a quittés à table et est allée se coucher en nous demandant une tasse de café. Nous avons continué notre dîner moitié riant, moitié pleurant. Je lui ai monté le café demandé, mais j’ai été reçue comme un chien au milieu d’un jeu de quilles ! Quelle triste soirée !... Il me tarde d’être à demain pour savoir si cela durera. Hélas ! Je ne le crains que trop !

29 novembre 1903


Ce que je craignais s’est en partie réalisé. Le matin, à mon lever j’ai voulu aller l’embrasser, elle m’a repoussée. Nous sommes allées à la première messe dite par un vénérable prêtre nommé M. Paillasse. A la sortie de la messe, j’ai rencontré mon frère. Après l’avoir embrassé et lui avoir fait accepter la moitié de mon pain bénit, nous sommes montés à la campagne. De toute la matinée, maman ne m’a pas adressé la parole. L’après-midi, nous avons été à Lézignan. Nous y sommes retournées à 8 heures pour accompagner mon frère. De la gare, nous avons été chez Maria, puis toutes en chœur nous sommes descendues chez Mme Sales où nous avons passé une soirée charmante. J’ai pris ma première leçon de valse avec M. Sales. Et en nous amusant, nous avons fini par dérider maman. Une fois le premier pas fait, le reste a été facile. Je vais me coucher le cœur léger, heureuse d’avoir vu mon frère, d’être réconciliée avec maman et d’avoir passé une aussi bonne journée.

vendredi 23 janvier 2015

Journal d'Henriette 30 octobre - 4 novembre 1903

30 octobre 1903

C’est la belle fête de l’adoration. J’ai commencé ma journée par une fervente communion. J’ai longuement prié pour tous les miens. J’ai supplié le bon Dieu de me faire connaître ma vocation. Après la messe, Mme Sales et moi avons été offrir une belle gerbe au Saint-Sacrement, puis nous avons fait de la musique aux vêpres, l’abbé Guiraudin nous a fait un beau sermon dont voici un petit résumé.
Pour qu’une église soit réellement consacrée, il ne suffit pas seulement de l’asperger avec de l’eau bénite et de l’oindre avec de saintes huiles mais il faut que la Sainte victime vienne la consacrer de son sang. Nos cœurs doivent être des tabernacles vivants où nous devons recevoir Notre Seigneur. Or, pour nous donner un exemple du désir que nous devons avoir, ouvrons l’Evangile et regardons la parabole de Zachée. Zachée était le chef des publicains, c’est-à-dire qu’il était chargé de prélever l’impôt. Or, la Judée était grande et Zachée très occupé par cette charge. Les publicains n’étaient guère aimés car le peuple leur reprochait de prélever pour leur compte une large part sur les impôts. Zachée avait entendu parler des miracles de Jésus et voulait le voir. Oui, à tout prix, il voulait voir celui que l’on nommait le grand thaumaturge. Un jour, le bruit court dans la ville que Jésus approche de Jéricho escorté par une foule de gens. A cette nouvelle, Zachée sent croître son désir. Il abandonne ses affaires. Franchir les murs de la ville et suivre la foule. Mais par malheur, Zachée est petit ; comment pourrait-il voir Jésus et lui parler ? Son grand désir le rend ingénieux. Il court en avant, grimpe sur un arbre et se fait un observatoire d’une branche. De là, il pourra voir l’objet de son désir. Dans la foule se trouvent des personnages qui se gaussent de Zachée. Mais lui semble ne rien remarquer. Il voit celui qu’il voulait voir, cela lui suffit. Dieu qui voit ce qui se passe dans le cœur des hommes connaissait le désir de Zachée. C’est pour lui qu’il est venu en cette ville. Aussi, Jésus lui dit-il avec Sainte Familiarité : Zachée, descendez car aujourd’hui je veux loger chez vous. Dieu aime qu’on le prie simplement. Il aime à être familier avec l’homme. C’est ainsi qu’après sa résurrection, il parla à la pécheresse de Béthanie. Marie-Madeleine pleurait de ne pas retrouver Jésus. Alors Jésus lui dit : Marie. Et elle répondit : Mon Maître et mon Seigneur. Après la Sainte Vierge, Marie-Madeleine est la personne qui a lu plus aimé Notre Seigneur. Mais qu’avait fait Zachée ? Il était descendu du sycomore et arrivé chez lui, il se jette aux pieds de Jésus et lui dit : Seigneur, je donne tous mes biens aux pauvres et si j’ai fait tort à quelqu’un en quoi que ce soit, je suis prêt à rendre quatre fois autant. Quelle équité dans sa justice ! Quelle largesse dans sa charité ! Alors Jésus se tournant vers Zachée, lui dit : Aujourd’hui cette maison a reçu le salut. Celui-ci est aussi un fils d’Israël, car le fils de l’homme est venu pour racheter et sauver ceux qui étaient perdus. L’amitié vraie et sincère est un don divin. Et si l’amitié d’un homme nous est si précieuse, que doit-il en être de celle d’un Dieu ! O Jésus ! Faudra-t-il attendre que vous prononciez votre anathème contre nous pour vous aimer ! Non, non, ne le permettez pas. Faites que tous les jours nous vous aimions de plus en plus afin d’avoir le bonheur de vous posséder pendant toute l’éternité. Ainsi soit-il.
M. Guiraudin est le curé de la paroisse Sainte-Ursule à Pézenas. Après ce bon sermon, nous sommes allées chez Madame Sales où nous nous sommes amusées jusqu’à 6 heures. Enfin, à 10 heures du soir, je me suis couchée, heureuse d’avoir passé une aussi bonne journée.

31 octobre 1903


Matinée tranquille. L’après-midi avec mes sœurs, nous avons aidé à monter le fourrage dans le grenier. De une heure à cinq heures, nous nous sommes roulées sur le foin. Avec nos cheveux au vent et notre fourche à la main, dans ce sombre grenier on aurait pu nous prendre pour trois diablesses ! J’ai reçu une carte de Geo. Après dîner nous avons eu la visite de Mme Sales. 

1er novembre

Journée très recueillie. Le matin, fervente communion ; le soir, visite au cimetière. J’ai longuement prié sur la tombe de nos chers morts. Mme Sales a passé toute la journée avec nous. La confection des couronnes et un peu de musique ont pris tout notre temps. A cinq heures, promenade sentimentale au pont de Merdary.

2 novembre

Journée passée dans la tristesse à cause de la fête des morts.

3 novembre

Cette journée a été bien remplie. Visite de Maria et de sa mère. Longue promenade sur le causse.

4 novembre

Rien de nouveau sous le soleil.



mercredi 14 janvier 2015

Journal d'Henriette 23-28 octobre 1903

23 octobre 1903

Journée tranquille ; calme plat.

24 octobre 1903

Rien d’important.

25 octobre 1903

Journée commencée par une messe bien entendue. Après-midi très agréable passée à la campagne en compagnie de Mme Sales et de la famille Lagarde. Depuis quelques jours j’attends en vain des nouvelles de G. [Georges M., dit Geo] Je n’ai encore rien reçu. J’ose espérer que ce sera pour demain. Le soir, mon frère est venu en permission. Maman m’a fait une scène terrible. Je ne sais seulement pas pourquoi. Serait-ce la présence de son fils qui la rendrait si irascible ? Dans ce cas, malgré tout le bonheur que me donne la présence de Louis, mieux vaut qu’il reste à Lodève.

26 octobre 1903

Il a plu toute la journée. Orage terrible. Au point de vue moral, orage encore plus terrible ; tout est à l’unisson. Ma pauvre mère m’a fait une mine !... Dois-je aller à son devant ? Je me le demande, car je n’ai rien à me reprocher. Attendons. Enfin ! J’ai reçu une carte de G. en même temps qu’une de mon cher cousin Henri. Elles ont été un doux réconfort pour mon cœur. Dans le monde, je n’ai encore pu trouver un être digne de mon affection. Je veux la donner toute à ma famille et là… on me repousse. O Dieu ! Vous au moins ne repoussez pas ceux qui vous aiment !

27 octobre 1903

Ce matin, à mon lever, j’ai vu l’Hérault par la plaine ; à 6 heures du matin, comme Papa conduisait les chevaux à l’abreuvoir, il a entendu ces cris : au secours ! A nous ! Nous nous noyons ! Une barque ! C’étaient deux cheminots qui s’étaient laissés surprendre par l’inondation. Papa est allé au moulin des Prés demander une barque, et aidé du meunier est parvenu à sauver les deux pauvres malheureux. Ils étaient dans l’eau depuis 10 heures. Pauvres gens ! Encore un peu et c’en était fait d’eux. Ils avaient déjà de l’eau jusqu’au cou. Toute la journée il avait plu. Moralement temps toujours à l’orage.

28 octobre 1903

J’ai fait le premier pas vers ma mère. Nous nous sommes embrassées. Il pleut toujours. J’ai été faire une longue au Saint Sacrement. J’en ai profité pour me confesser. Quelle joie de se trouver avec une conscience tranquille auprès de ce Dieu si bon ! Quand on a goûté à de telles douceurs, que les joies du monde paraissent insipides !

Je ne sais pas si je vais réussir à identifier ce Georges M., dit Geo ou Géo, dont Henriette semble avoir le béguin... 
La mère d'Henriette semble avoir des sautes d'humeur assez désagréables...
Le moulin des Prés se trouve sur l'Hérault, entre Lézignan-la-Cèbe et Pézenas.
La carte postale présentée aujourd'hui a été prise par mon grand-père Achille Gascard, futur mari d'Henriette, mais qu'elle ne connaît pas encore en 1903...


dimanche 11 janvier 2015

Journal d'Henriette 20-22 octobre 1903

20 octobre 1903

Toute la matinée je me suis occupée des travaux du ménage. L’après-midi, j’ai eu la visite de Louise Lagarde, Gaby, Louise Cabanis et Antonin C. Mme Sales est venue se joindre à nous. Nous avons fait de la photographie. C’est A. qui remplissait les fonctions de photographe. Cette fois au moins, il remplissait vraiment son rôle ; il le faisait « à la pause ».
J’ai effeuillé une pâquerette offerte par Gaby ; elle m’a répondu : tendrement. Il en a effeuillé une à son tour ; elle lui a répondu : à la folie. Je ne sais si cette fleurette a été franche en ce qui le concerne, mais quant à mes sentiments personnels elle s’est bien trompée !
La danse et les petits jeux ont achevé de nous divertir.
Le soir, lorsqu’ils sont partis j’ai pu me dire : encore une agréable journée de passée. Et maintenant, à quand ? Le soir, nous avons gardé Mme Sales pour souper. A 10 heures, nous avons été la ramener chez elle.

21 octobre 1903

Matinée occupée. Après-midi très agréable passée au couvent. Quelles heures agréables j’ai passées dans ce cher asile ! Quel calme s’est fait dans mon pauvre cœur ! J’avais besoin de quelques mots de mes bonnes mères pour me le remettre en place. Ah ! Si je pouvais y retourner, que je serais heureuse ! Qui sait si un jour je ne serai pas appelée à y passer ma vie ? Oh ! Mon Dieu ! Que votre Sainte volonté soit faite !

22 octobre 1903

Journée occupée physiquement et moralement. Mon Dieu je vous en prie, ne nous laissez pas sombrer ; venez à notre secours ; nous n’avons plus d’espoir qu’en vous ! Faites de moi ce que vous voudrez, mais bénissez mes chers parents, rendez-les heureux ! Cœur de Jésus, ô Marie, ma mère, vous êtes mon seul espoir ; c’est en vous que je place toute ma confiance ; je sais qu’avec vous je ne risque rien. Père éternel, je vous demande, au nom de Jésus-Christ  votre divin Fils, et de Marie son auguste mère la grâce de nous sortir d’embarras sans avoir besoin de vendre notre chère campagne. Pensez au déchirement de votre cœur lorsque vous avez été obligés de fuir en Egypte ! Alors, vous comprendrez ce que nous souffrons. Encore une fois, mon Dieu, ne nous abandonnez pas ! Pitié !


Henriette explique peu les causes de ses tourments... On voit que la vente éventuelle de la campagne d'Arnet, sa maison, lui fend le coeur... Ses parents sont viticulteurs et ont probablement été victimes du mildiou mais ce ne sont que des conjectures. 
Sur la photo : Henriette (en noir) et Claire


dimanche 4 janvier 2015

Journal d'Henriette 16-19 octobre 1903

16 octobre 1903

Mon frère chéri m’a envoyé une ravissante carte ne nous portant que de bonnes nouvelles. J’en ai également reçu de Mimi, Loulou. A.C. m’en a envoyé également. L’une représente l’amour vainqueur. Il a écrit dessus : « En souvenir des quelques instants inoubliables mais malheureusement trop courts passés auprès de vous » Myosotis. Quel aplomb ! Oui, mon vieux je vais passer mon temps à ne pas t’oublier, lorsque je sais que tu en aimes une autre ? Que nenni ! Avec moi, ou tout, ou rien. Je n’aime pas les cœurs d’artichaut.
Journée très occupée. Je suis satisfaite de ma petite élève ; si cela dure, elle fera de réels progrès. Ce soir, tous en chœur nous avons récité un chapelet pour obtenir du bon Dieu par l’intercession de la Sainte Vierge une grande grâce. J’aime à penser qu’elle ne nous la refusera pas. Oh ! Mon Dieu ! Je vous en prie, bénissez mes parents ; affligez-moi si vous le voulez mais eux, épargnez-les. Ils sont si bons ! Ne les abandonnez pas ! Veillez sur eux. Veillez sur nous tous ; secourez-nous, car sans vous nous ne pouvons rien !

17 octobre 1903

Journée laborieuse ; grâce en partie obtenue.

18 octobre 1903

Journée très occupée. Soirée charmante passée en famille.

19 octobre 1903


J’ai commencé ma journée par une messe bien entendue. J’ai reçu une carte de : myosotis, de Géo et de Christ. Après-midi délicieuse passée à la campagne en compagnie de Mme Sales et de la famille Boyer. Le soir, lecture instructive sur la fabrication du pain.

Sur la photo, Louis Arquinet, le frère d'Henriette